Tu m’as connue au temps des roses,
Quand les colombes sont écloses ;
Tes yeux alors pleins de soleil
Ont brillé sur mon teint vermeil.
Souriant à ma destinée,
Par ta douce force entraînée,
Je ne t’aimai pas à demi,
Mon jeune ami, mon seul ami !
À l’étonnement de nos âmes
Tout jetait des fleurs et des flammes ;
Une feuille, un bruit de roseaux
Nous semblaient des hymnes d’oiseaux.
Quand ce beau temps sur notre tête
Sonnait à chaque heure une fête,
Nous n’étions mortels qu’à demi,
Mon jeune ami, mon seul ami !
Puis, tu t’en allas vers ta mère,
Et la vie eut une ombre amère ;
Autour de mon sort languissant
L’été même allait pâlissant.
Les roses me paraient encore ;
Mais déjà, pleurant l’autre aurore,
Je n’aimai plus rien qu’à demi,
Sans mon ami, mon seul ami !
Un jour, l’invincible espérance
Poussa ton vaisseau vers la France :
Tu me ranimas sur ton coeur…
Jeune, on ne meurt pas de bonheur !
Mais la guerre appelait tes armes…
Sous tant de baisers et de larmes
Je ne t’ai revu qu’à demi,
Mon jeune ami, mon seul ami !
Plus tard, un enfant du village
Accourut, tout pâle au visage,
Disant : » Voulez-vous le revoir ?
Demain, ce sera sans espoir.
Déjà les prières sont faites,
Venez vite, comme vous êtes… »
Et je revins morte à demi,
Mon pauvre ami, mon seul ami!
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