À l’occasion du soixantième anniversaire de son ordination.
J’ai vu, dans la prairie, un chêne aux vastes branches,
Qui, sous le bleu du ciel, offrait, les bras ouverts,
Aux corbeaux croassants comme aux colombes blanches
L’asile hospitalier de ses grands dômes verts.
Sous ses rameaux touffus flottaient des ombres douces;
Et, quand midi flambait, largement abrité,
Maint troupeau, sommeillant dans la fraîcheur des mousses,
Sous sa voûte oubliait les ardeurs de l’été.
Il était vieux; pourtant l’âge, dont l’aile égrène
Le feuillage du chêne et la fleur du glaïeul,
N’avait mis qu’un surcroît de majesté sereine
À sa cime imposante ainsi qu’un front d’aïeul.
La sève des puissants filtrait sous son écorce;
Pourtant, quand la rafale ébranlait ses arceaux,
Le vieux géant n’avait – suave dans sa force -
Que des murmures doux comme un chant de berceaux.
Le colosse avait eu ses jours sombres; l’orage
Avait parfois sur lui déchaîné ses Titans;
Mais l’averse en fureur n’avait pu, dans sa rage,
Que laver sur son tronc la poussière du temps.
Tous les petits oiseaux l’aimaient; sous sa feuillée,
Grives et rossignols, mésanges et pinsons,
Penchés au bord des nids, de l’aube à la veillée,
Lui payaient leur écot en joyeuses chansons.
Et le grand chêne, droit comme un vieillard auguste,
La tête dans l’azur, les bras au firmament,
Semblait sourire au ciel qui l’avait fait robuste,
Et bénir le Très-Haut de l’avoir fait clément!
Ah! je voudrais avoir la sagesse d’un mage
Et la voix d’un prophète – oui, moi, l’humble fourmi -
Pour vous dire en ce jour : Ce chêne est votre image,
Ô saint prêtre de Dieu, mon vénérable ami!
Toujours jeune et debout dans votre grâce austère,
Le cœur ouvert à tous, même aux malicieux,
Si, comme lui, vos pieds touchent encor la terre,
Vous avez comme lui la tête dans les cieux.
Comme lui, vous avez de tranquilles retraites;
Comme l’ombre et le frais qu’il ménage aux troupeaux,
Vous versez le trésor de vos bontés discrètes
À tous les affamés de calme et de repos.
Comme lui, vous avez vu bien des soleils naître;
Sur votre front serein tout près d’un siècle a lui :
Vous n’avez pas vieilli, car vous étiez, ô prêtre!
Puissant comme le chêne et vaillant comme lui.
Il eut son temps d’épreuve et vous eûtes le vôtre :
Mais les assauts jamais n’ont fait vos pas tremblants;
Et l’orage n’a mis, sur votre front d’apôtre,
Qu’un reflet d’arc-en-ciel dans vos beaux cheveux blancs.
Vous aussi vous avez de fécondes ramures,
Dont la frondaison vierge a bercé bien des nids;
Autour de vous aussi montent bien des murmures,
Chants d’amour de tous ceux que vous avez bénits!
Le petit vous révère et le grand vous honore;
Laissez votre cœur battre et votre œil rayonner;
Car, s’il fut des ingrats, votre âme les ignore :
Les forts sont indulgents et savent pardonner.
Pardonner et bénir, voilà le double rôle
Auquel votre existence entière s’immola;
Et si jamais fardeau n’a courbé votre épaule,
C’est qu’elle était de fer, car vos œuvres sont là!
Soixante ans, votre voix ardente a fait entendre
L’éternelle parole aux hommes; soixante ans,
Votre main, ô pasteur – infatigable et tendre -
Versa le sang du Christ sur les cœurs repentants.
Soixante ans, vous avez, pendant le saint office,
En prononçant les mots que Dieu même dicta,
Renouvelé pour nous le divin sacrifice
Qui racheta le monde aux flancs du Golgotha.
Soixante ans, vous avez relevé qui succombe;
Soixante ans, on vous vit au chevet du mourant;
Soixante ans, vous avez suivi jusqu’à la tombe
La dépouille de ceux que la mort nous reprend.
Soixante ans, vous avez de vos mains paternelles,
Bénit l’anneau sacré qui joint les épousés;
Et je vois devant moi, s’essuyant les prunelles,
Des vieillards que jadis ces mains ont baptisés!
Du pauvre et du petit vous prîtes la défense;
Et nos regards, d’ici peuvent apercevoir,
Construit par votre zèle, un asile où l’enfance
Va puiser la science aux sources du devoir.
Et toujours à l’affût, et toujours sur la brèche,
Dans tous les bons combats à vaincre toujours prêt,
On vous a vu saisir la cognée et la bêche
Pour guider le colon au fond de la forêt.
Dans tous les droits sentiers poursuivant votre marche,
De nos oints du Seigneur vénérable doyen,
Vous sûtes ajouter au nom du patriarche
Celui du patriote et du grand citoyen!
Oh! lorsque vous jetez un coup d’œil en arrière,
Vaillant soldat du bien, vétéran des autels,
Et que vous remontez votre longue carrière
En comptant vos labeurs et leurs fruits immortels,
Dans cette vaste enceinte où chacun vous acclame
Et devrait s’incliner pour baiser vos genoux,
Quel sentiment ému doit envahir votre âme!
Quel joyeux Te Deum doit retentir en vous !
Oh! laissez-vous aller à ces transports suprêmes;
Savourez les fruits mûrs de vos efforts vainqueurs :
Cette émotion-là, nous la sentons nous-mêmes;
Ce Te Deum d’amour chante aussi dans nos cœurs!
Près de vous, ce matin, à genoux dans son temple,
Au Dieu qui récompense et fait les jours nombreux,
Nous avons dit merci pour le sublime exemple
Que les vôtres plus tard laisseront derrière eux.
Et nous l’avons prié pour que le noble chêne,
Bravant, longtemps encor, les destins courroucés,
Reste pour nous l’espoir de la saison prochaine,
Après avoir été l’orgueil des jours passés
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