(ce texte est un poème de Victor Hugo)
Gastibelza, l'homme à la carabine,
. . Chantait ainsi :
"Quelqu'un a-t-il connu doña Sabine ?
. . Quelqu'un d'ici ?
Chantez, dansez, villageois ! la nuit gagne
. . Le mont Falu...
Le vent qui vient à travers la montagne
. . Me rendra fou."
"Quelqu'un de vous a-t-il connu Sabine,
. . Ma señora ?
Sa mère était la vieille maugrabine
. . D'Antequera,
Qui chaque nuit criait dans la tour Magne
. . Comme un hibou...
Le vent qui vient à travers la montagne
. . Me rendra fou."
"Vraiment, la reine eût, près d'elle, été laide
. . Quand, vers le soir,
Elle passait sur le pont de Tolède
. . En corset noir.
Un chapelet du temps de Charlemagne
. . Ornait son cou...
Le vent qui vient à travers la montagne
. . Me rendra fou."
Le roi disait, en la voyant si belle,
. . A son neveu :
"Pour un baiser, pour un sourire d'elle,
. . Pour un cheveu,
Infant don Ruy, je donnerais l'Espagne
. . Et le Pérou !
Le vent qui vient à travers la montagne
. . Me rendra fou."
"Je ne sais pas si j'aimais cette dame,
. . Mais je sais bien
Que, pour avoir un regard de son âme,
Moi, pauvre chien,
J'aurais gaîment passé dix ans au bagne
. . Sous les verrous...
Le vent qui vient à travers la montagne
. . Me rendra fou."
"Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre
. . De ce canton,
Je croyais voir la belle Cléopâtre,
. . Qui, nous dit-on,
Menait César, empereur d'Allemagne,
. . Par le licou...
Le vent qui vient à travers la montagne
. . Me rendra fou."
"Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe
. . Sabine, un jour,
A tout vendu, sa beauté de colombe,
. . Tout son amour,
Pour l'anneau d'or du comte de Sardagne,
. . Pour un bijou...
Le vent qui vient à travers la montagne
. . M'a rendu fou."
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