Timour-Leng, conquérant de l’Inde et de la Perse,
Qui, comme des moutons que le lion disperse,
Vit fuir devant ses pas les peuples par troupeaux,
Le grand Timour, avait le culte des tombeaux.
Et lorsque ses Mongols avaient pris une ville
Et qu’ils avaient traité la population vile
Comme un champ de blé mûr que moissonne la faux,
Lorsqu’ils avaient construit de grands arcs triomphaux
Avec de la chaux vive et des têtes coupées,
Timour, parmi les cris et les lueurs d’épées,
Sans daigner regarder le lugubre décor,
Monté sur un cheval caparaçonné d’or,
Passait, l’esprit plongé dans quelque rêve austère,
Allait au champ des morts, et mettait pied à terre.
Au milieu des tombeaux longtemps il errait, seul,
Et, quand il rencontrait celui d’un grand aïeul,
D’un iman, d’un poète ou d’un guerrier célèbre,
Comme Timour avait la piété funèbre
Des sages qui souvent se disent qu’ils mourront,
Il s’inclinait, touchant le sépulcre du front.
Le chef des cavaliers aux longs bonnets de feutre
Voulut qu’on épargnât Thous comme ville neutre.
Après qu’on l’eut forcée, un jour du Ramazan,
Parce que Firdousi, le poète persan,
Avait jadis passé dans Thous sa vie entière.
II alla visiter sa tombe au cimetière,
Et, comme un charme étrange attirait son esprit
Vers cette sépulture, il voulut qu’on l’ouvrît.
Le cercueil du poète était jonché de roses.
Timour se demanda quelles métamorphoses,
Après que le dernier de ses jours aurait lui,
Pourrait subir le corps d’un héros tel que lui ;
Et, regagnant les hauts plateaux de sa patrie,
Il passa par Cara-Koroum, en Tartarie,
Où Djinghiz-Khan repose en un temple d’airain.
On souleva devant l’illustre pèlerin,
Tombé sur les genoux et courbant son échine,
Le marbre qui couvrait le vainqueur de la Chine ;
Mais Timour détourna la tête en frémissant.
La tombe du despote était pleine de sang.
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