À part les vieilles et le fada
Dans l’église y’a plus personne
Plus personne à part vous et moi Seigneur
Le vieux Georges ? Il braconne
Le sacristain ? Il est pas là
À c’t’heure il doit être chez Yvonne
C’est sûrement pour ça qu’elle vient pas d’ailleurs
Et oui elle aussi elle m’abandonne
Enfin, comme ça c’est plus intime
Mon sermon, je le fais pour vous
Comme dit le vieux Théotime
C’est moi qui parle au nom de tous
Faut pas leur en vouloir Seigneur
S’ils viennent pas tous les dimanches
C’est qu’ils se lèvent de bonne heure
Et qu’ils retroussent bien leurs manches
Y’a les moissons qui se préparent
Il faut rien laisser au hasard
Y’a ceux qui bossent jusque tard
Et qui restent tard au plumard
Ils font la grasse matinée
Mais c’est tellement dur la semaine
Qu’à la fin ils l’ont pas volée
Cette petite heure de flemme
Le soir ils s’occupent des gosses
Ils faut bien qu’ils les voient un peu
Et quand on bosse comme ils bossent
Ça fait quand même encore trop peu
Et puis, faut qu’ils aiment leurs femmes
Et faut prendre son temps pour aimer
Alors une heure de plus avec leurs dames
Ça fait une heure de gagnée
Et puis, y’a ceux qui vont aux boules
Mais ça leur change les idées
Et c’est mieux que quand ils se saoûlent
Et qu’ils rentrent pour tout casser
Je sais, Seigneur, il y‘a les autres
Y’a ceux qui prennent du bon temps
Mais c’est des gosses, pas des apôtres
Comment vous étiez à vingt ans ?
Bien sûr, y’a le fils du boucher
Qui est radical socialiste
Alors il bouffe du curé, il bouffe du curé
Mais lui, c’est pas un égoïste
C’est vraiment un brave petit
Et même s’il vient pas prier
Il me donne pas du souci
Parce que lui il sait partager
Bien sûr, y’a la petite Hélène
Qui fait son métier de putain
Et elle c’est pas Marie-Madeleine
Elle elle bosse soir et matin
Je crois bien qu’elle est incurable
Mais elle a aussi un coeur d’or
Et moi et moi je me sens misérable
Quand je la vois bosser dehors
Bien sûr, y’a le fils du notaire
Qu’est le dernier des mécréants,
Qu’est même plus chien que le maire
Mais je sais qu’il est pas méchant
Tout ça c’est des airs qu’il se donne
Parce qu’il est pas très sûr de lui
Mais nous, il faut qu’on lui pardonne
Ce qu’il vit, c’est pas sa vraie vie
Bien sûr, il y a l’instituteur
Qui tous les soirs trompe sa femme
Avec la fille du facteur
Et qu’un jour ça va faire un drame
Mais le jour où il s’est marié
C’est ses parents qui ont dit oui
Lui, il n’a fait que répéter
Total, voilà il dit non aujourd’hui
Et puis, moi je peux que me taire
Quand faut parler de ce péché
Vu que moi je peux pas le faire
Je sais pas comment en parler
C’est facile de dire c’est pas bien
La vie c’est pas un théorème
Quand des fois le désir s’en vient
On peut blesser les gens qu’on aime
Moi, je leur parle pénitence
Je leur dis des choses sacrées
Je leur dis péché, abstinence
Et ils m’envoient tous promener
Ils disent que je suis curé
Qu’un curé, c’est bon qu’à parler
Et que je peux pas sans tricher
Parler d’amour sans l’avoir fait
Mais moi aussi ça me démange
D’ailleurs, Seigneur, à ce sujet…
Enfin, c’est con que je vous dérange
Pour trois pater et quatre ave
Allez, Seigneur, à la prochaine
Faut que j’achève mon sermon
Ces choses faut pas que ça traîne
On dit plus rien quand c’est trop long
Si je dis ça c’est pour les vieilles
Faut pas qu’elles rentrent trop tard
Tiens y’a le fada qui se réveille
Lui, c’est toujours l’heure où il part
Eh pitchoune ! Ouvre grand les portes
Que je sente l’air de chez nous
Va y avoir de bonnes récoltes
Y’a le mistral qui se fait doux
N’leur en veux pas Seigneur, ils t’aiment
Ils viennent au moins tous une fois
Au mariage ou bien au baptême
Et bien sûr, la dernière fois
Ici, quand les gens sont heureux
Et lorsque la récolte est bonne
On est bien plus près du Bon Dieu
Que tous les cardinaux de Rome
Viens, Seigneur, coule dans mes veines
Fais-moi sentir que tu es là
Si ton église n’est pas pleine
Fais que moi je sois plein de toi
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