Où sont nos jambes à nos cous
Nos tire-d’ailes, nos 400 coups
Nos Sahara de bacs à sable
Nos petites danseuses arabes
Où sont les nuages goulus
Qui déboutaient sur les talus
Comme des troupeaux de bisons
Où sont nos mappemondes vierges
Nos frissons, nos festins de neige
Nos à-plus-soif, nos fronts têtus
Toutes nos brides rabattues
Ou sont nos ratures où sont-elles
Nos cicatrices immortelles
Les fissures de nos prisons
Où sont les grands horizons ?
Où sont nos zéros de conduite
Nos lassos, nos lignes de fuite
Nos pertes de vue et d’haleine
Le cantique bleu des baleines
Nos espadrilles de sept lieues
Quand on jouait à saute-banlieue
Vers nos âges de déraison
Où sont nos voiles et où sont elles
Nos banderoles de dentelles
La face cachée de nos yeux
Et nos Vésuve silencieux
Nos rages et nos à-bout-de-souffle
Qui donc a tricoté des moufles
Sur nos points d’interrogation
Où sont les grands horizons ?
Peut-être on était pas de taille
On est passés entre les mailles
Ou bien on n’s’est pas aperçu
Que notre orgueil marchait dessus
A moins que nos dernières boussoles
Désossées au dernier sous-sol
Sucent les racines du gazon
Faudrait pas recoudre les trous
Du fond des poches de Rimbaud
Faudrait qu’on s’aime, qu’on s’ébroue,
Et qu’on se trouve un peu moins beaux
Sur la peau grise des pavés, hisser haut
Le verbe rêver
Jusqu’aux cils de nos maisons
Hissons les grands horizons
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