Laissez-moi donc me souvenir
Tant qu'il est à se rappeler
D'un passé privé d'avenir
Avant de le voir s'étioler
Et rarement me revenir
Par quelques bribes emmêlées
Il tourne avec toi dans ma tête
Des bagarres en avalanches
Des premiers tours de bicyclette
Des jours d'école et des dimanches
Des airs de guitare, des fêtes
Et des cabanes dans les branches
De la vieille maison, du village
Un beau jour tu as pris tes distances
Carrière militaire et mariage
Des départs comme autant de souffrances
Qui meurtrissaient mon très jeune âge
Et mettaient un terme à l'enfance
La vie à quai, comme un navire
Nous a réunis quelques fois
J'avais tant de choses à te dire
Mais je n'en avais pas la voix
Ni les mots ni les grands sourires
Tu le comprenais bien, je crois
À la force des bras et de l'âme
Tu allais heureux en sifflant
Mais il avait tissé sa trame
Le mal sournois, le mal violent
Ton cœur s'est éteint comme une flamme
Que l'on fait mourir en soufflant
Novembre dans son pâle écrin
Cendres jetées loin de la terre
Comme on le fait pour tout marin
Dans l'Atlantique-cimetière
L'immensité de mon chagrin
Dans l'absence de toi, mon frère
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