La bouche du bourgeois mastique très humide
Suintant aux bord des lèvres une goutte d'Anjou
Fait à ce vieux visage boursouflé et livide
Une traînée de sang sur un bout de saindoux
Les paupières mi-closes et la main qui s'égare
Entre les cuisses roses cruelles et mouillées
D'une divinité dont l'amère victoire
Est d'avoir dans le cul l'alliance d'un banquier
La cravate s'écarte et l'œil s'ensommeille
Les dents qui se déchaussent vont au fond du gosier
D'une main très habile la petite surveille
L'épaisseur rassurante de ta virilité
Et puis d'un geste mou cette main sans pareille
Cette main délicatement manucurée
Dépose dans l'osier miteux d'une corbeille
La rançon du poète qui boit à ta santé
Regarde-moi bourgeois
Oui c'est bien tant tu manges
Quand le rouge des joues redevient violet
Quand l'œil vitreux palpite presque au bord de la transe
Que tu te réincarnes en bœuf charolais
Marginal en sursis affamé de la rime
Berger cynique et froid de ce troupeau borné
Cache ton cœur qui saigne dans un air anonyme
Et va dans l'arrière salle pour compter ta monnaie
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