Il m’arrive durant ma vie de saltimbanque
De me retrouver seul à l’hôtel dans mon lit
Pour dissiper l’angoisse et combler quelques manques
Jusqu’au petit matin insomniaque je lis
En quête l’autre soir d’une saine lecture
Pour m’enrichir un peu et juguler l’ennui
J’ai trouvé par hasard les Saintes Écritures
Posées négligemment sur la table de nuit
L’objet de prime abord pourrait paraître austère
Aucune illustration pour mettre en appétit
Le titre sur le cuir est en gros caractères
Hélas à l’intérieur c’est écrit tout petit
L’œuvre à certains égards côté rocambolesque
Fait penser à Tintin l’immortel vadrouilleur
Et pour venir à bout d’un travail titanesque
Comme chez Sulitzer l’auteur était plusieurs
Malgré crimes larcins trahisons impostures
Incestes viols complots batailles sans merci
Massacres macchabées tortures forfaitures
Une certaine éthique habite le récit
On peut y déceler quelques invraisemblances
Mais l’intrigue est complexe hérissée d’inventions
Et tout bien réfléchi ça n’a pas d’importance
C’est le lot habituel des romans de fiction
Dès qu’un drame survient qu’un incident éclate
On peut les repérer sur le calendrier
À chaque événement correspond une date
Dans la plupart des cas c’est un jour férié
Le lecteur est conquis dès la première page
À peine commencée l’histoire tourne mal
Après l’intervention qui perturbe un ménage
D’éléments extérieurs un fruit un animal
Inévitablement pour perpétuer l’espèce
Caïn doit s’accoupler à l’un de ses parents
Si ce n’est cet instant de petite faiblesse
On ne note aucun signe immoral apparent
Neuf cent trente ans de vie c’est une peccadille
Sûr qu’il y avait foule à son enterrement
Pour y coucher tous les membres de sa famille
Adam dut rédiger un bien long testament
Ève est belle à croquer mais peindre la Genèse
Demande un minimum d’étude et de savoir
Émules de Manet Delacroix Véronèse
Effacez ce nombril que je ne saurais voir
Tout bien vérifié je persiste et je signe
Récemment dans la rue j’ai tenté quelques pas
Habillé simplement d’une feuille de vigne
Sans l’aide de la main l’affaire ne tient pas
Vous me pardonnerez de passer sous silence
Appendices sermons poèmes élégies
Et par un raccourci venir au fer de lance
Au passage essentiel de cette anthologie
J’ai quelque réticence à croire qu’une vierge
Puisse se retrouver sans une opération
Enceinte jusqu’aux yeux sans avoir vu la verge
Quel imparable obstacle à la contraception
J’imagine Joseph agitant sa varlope
Invectivant Marie devant son ventre rond
Immaculée mon cul tu m’as trompé salope
Si c’est le Saint-Esprit je suis Napoléon
L’érotisme est partout qui nous tient en haleine
Les époux du cantique ont des refrains galants
La belle Sulamite et Marie-Madeleine
Ont le regard brûlant et le corps ondulant
Il suffit de deux mots et voilà qu’on s’égare
La multiplication des pains m’a dérouté
Fébrile j’attendais une bonne bagarre
Le coup du magicien est ma foi bien monté
N’étant pas dieu merci de ceux qui font les pitres
En brocardant voyance et fantasmagorie
Nous laissons à l’auteur libre voix au chapitre
Évitons le procès de la sorcellerie
C’est la phase enchantée un héros plein de charme
Pratiquant la manie et l’abracadabra
D’un geste d’un clin d’œil vous sauve vous désarme
L’infaillible Zorro guérit à tour de bras
Infirme sourd lépreux bègue paralytique
Aveugle esprit impur belle-mère impotent
Ici c’est un manchot là un épileptique
Et là plus fort encor c’est tout en même temps
La scène de La Cène est plutôt lamentable
Où l’on va démasquer le disciple infidèle
Mais on est trop nombreux quand on est treize à table
Il en est toujours un pour foutre le bordel
Je frissonne d’effroi au moment du partage
Mangez ça c’est mon corps buvez ça c’est mon sang
Me voilà tour à tour vampire anthropophage
Ce morceau d’épouvante est vraiment oppressant
On soigne le détail esthétique et pratique
Tout est en harmonie admirez cette croix
Ses lignes épurées sa forme ergonomique
Agréable à porter maniable de surcroît
Qu’aurait dit Jésus face à des énergumènes
Au mépris du confort et de son embarras
Lui tendant lâchement une croix de Lorraine
L’engin est mal foutu je n’ai pas quatre bras
Sans dévoiler la fin par ailleurs fantastique
J’avoue que subjugué par un déferlement
De désordres violents voire apocalyptiques
J’en suis resté béat c’est un vrai monument
J’écrirais un papier si j’étais journaliste
Je ferais volontiers de la publicité
En inscrivant l’ouvrage en tête de la liste
Des bouquins qu’on peut lire à la plage l’été
Pour l’œil inquisiteur la critique est facile
Tout comme saint Thomas j’ai des doutes parfois
Mes propos ne sont pas paroles d’évangile
Un profane est sceptique en toute bonne foi
Partout dans mes tournées désormais je l’emporte
C’est mieux que la télé débitant ses navets
Mon Amérique à moi ma bible en quelque sorte
Mon guide mon sauveur mon livre de chevet
Et si je vous convaincs et vous sensibilise
Alors pensez à moi quand vous le dévorez
Je convie les bigots les grenouilles d’église
À lire un exemplaire et à s’en inspirer
Ah je vous vois venir athées de pacotille
Avec vos gros sabots comme des bulldozers
C’est vrai que ces gens là bouchent leurs écoutilles
Mais tant pis j’aime bien prêcher dans le désert
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