Parlez, terrestres voix, chant nocturne des choses,
Des langues à venir chuchotement lointain,
Cris des enfantements, choeur des métamorphoses,
Dernier adieu des morts dont la forme s’éteint ;
Bruit des déchirements sans fin de la Matière,
Lent et plaintif écho des engloutissements,
Lente et sourde clameur dont la nature entière
Dénonce le travail obscur des éléments ;
Montez dans l’air léger, voix nocturnes des tombes,
Et bercez, dans l’azur indifférent des cieux,
L’appétit des corbeaux et l’amour des colombes
Et les chers souvenirs des coeurs silencieux !
Exilés de la joie et de la foule impie,
Les amis des tombeaux vous écoutent, charmés :
Chantez l’hymne suprême où leur oreille épie
Des mots, des mots connus et des rythmes aimés !
Vous êtes la pitié de celle qui nous tue
Et dont l’amour tardif nous défend de mourir,
Et qui, le coup frappé, laisse l’âme abattue
Regagner lentement la force de souffrir ;
Vous êtes la pitié cruelle de la Vie,
Et douces cependant à qui vit sans remords.
- Cher et tremblant reflet de la flamme ravie ;
Monte dans l’air léger, chant nocturne des Morts !
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