A MADEMOISELLE ROUSSEL.
I
Celui qui passait triomphant
Debout dans sa grâce farouche,
Sous l’or de ses cheveux d’enfant
Dont le flot attirait ma bouche,
Celui dont la feinte douceur
M’atteignit de blessures telles,
C’était Phaon le beau chasseur
Dont les flèches étaient mortelles !
II
Comme Phoebus, l’archer des cieux
Dont nul ne fuit la flèche sainte,
Il passait, lent et gracieux,
Le front couronné d’hyacinthe.
Vainqueur, il traînait sur ses pas
Mon âme par lui déchirée,
Et mon sang qu’il ne comptait pas
Empourprait sa route sacrée !
III
Pareil au feu de l’Orient
Qui monte des bords de la plaine,
Il s’était levé, souriant,
Dans le ciel d’or de Mitylène.
O jour pour moi sans lendemain !
De mes yeux cachant la brûlure,
Aveugle, j’ai pris son chemin
Aux parfums de sa chevelure !
IV
Mon coeur ne s’est pas révolté
Contre la loi qui porte en elle
Que de l’éternelle Beauté
Vienne la torture éternelle.
Toi qui fis descendre aux enfers
Mon âme à ton charme asservie,
Phaon, les maux que j’ai soufferts
Je les pleure et je les envie.
V
Car je ne le reverrai plus,
O fils rayonnant d’une aurore,
Et, plus que jamais superflus,
Mes cris t’appelleraient encore !
Aux astres déclinants pareil
Dont la nuit seule sait le nombre,
Tu descendis au flot vermeil
Où ma plainte évoque ton ombre.
VI
Mer aux abîmes infinis,
Ainsi qu’autrefois Cythérée,
Je pleure un nouvel Adonis
Le long de ta route sacrée.
Ton bruit doucement obsesseur
Emporte, en la berçant, ma plainte-
Car il est mort, le beau chasseur
Au front couronné d’hyacinthe !
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