Accoudés sur la table et déjà noyés d’ombre,
Du haut de la terrasse à pic sur la mer sombre,
Les amants, écoutant l’éternelle rumeur,
Se taisent, recueillis devant le soir qui meurt.
Alcis songe, immobile et la tête penchée.
Canope avec lenteur de lui s’est rapprochée
Et, lasse, à son épaule a laissé doucement
Comme un fardeau trop lourd glisser son front charmant.
Tout s’emplit de silence Au fond des cours lointaines
On entend plus distinct le sanglot des fontaines ;
Par endroits sur le port une lumière luit ;
Et l’étrange soupir qui monte vers la nuit,
Mystérieux aveu du coeur profond des choses,
Ce soir, se fait plus doux de passer sur les roses.
Alcis songe Et la paix immense, la douceur
Nocturne, l’infinie et calme profondeur,
Le croissant et l’étoile, à sa base, qui tremble,
Et la mer murmurante, et cette enfant qui semble,
Avec son cou sur lui renversé sans effort,
Comme morte d’amour parmi ses cheveux d’or,
Tout l’exalte ! Une lente et solennelle ivresse
Semble élargir jusqu’aux étoiles sa tendresse !
Frémissant, il se penche et contemple un long temps
Le front uni voilé par les cheveux flottants,
Et la bouche de rose où luit l’émail des dents,
Et le beau sein qu’un rythme égal et lent soulève
Des feuillages au loin bruissent La nuit rêve
Alcis, les yeux au ciel, avec un lent baiser
Sur la bouche a laissé son âme se poser ;
Et tout à coup son coeur semble en lui se briser !
Car il le sent, jamais, jamais plus dans sa vie,
Il ne retrouvera l’adorable accalmie,
La nuit et le silence, et cette mer amie,
Et ce baiser, dans l’ombre, à Canope endormie.
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