Ils sont venus, les forestiers de l’autre versant, les inconnus de nous, les rebelles à nos usages.
Ils sont venus nombreux.
Leur troupe est apparue à la ligne de partage des cèdres
Et du champ de la vieille moisson désormais irrigué et vert.
La longue marche les avait échauffés.
Leur casquette cassait sur les yeux et leur pied fourbu se posait dans le vague.
Ils nous ont aperçus et se sont arrêtés.
Visiblement ils ne présumaient pas nous trouver là,
Sur des terres faciles et des sillons bien clos,
Tout à fait insouciants d’une audience.
Nous avons levé le front et les avons encouragés.
Le plus disert s’est approché, puis un second tout aussi déraciné et lent.
Nous sommes venus, dirent-ils, vous prévenir de l’arrivée prochaine de l’ouragan,
de votre implacable adversaire.
Pas plus que vous, nous ne le connaissons
Autrement que par des relations et des confidences d’ancêtres.
Mais pourquoi sommes-nous heureux incompréhensiblement devant vous et soudain pareils à des enfants?
Nous avons dit merci et les avons congédiés.
Mais auparavant ils ont bu, et leurs mains tremblaient, et leurs yeux riaient sur les bords.
Hommes d’arbres et de cognée, capables de tenir tête à quelque terreur
mais inaptes à conduire l’eau, à aligner des bâtisses, à les enduire de couleurs plaisantes,
Ils ignoraient le jardin d’hiver et l’économie de la joie.
Certes, nous aurions pu les convaincre et les conquérir,
Car l’angoisse de l’ouragan est émouvante.
Oui, l’ouragan allait bientôt venir;
Mais cela valait-il la peine que l’on en parlât et qu’on dérangeât l’avenir?
Là où nous sommes, il n’y a pas de crainte urgente.