E dolce il pianto piu ch’altri non crede.
PETRARCA.
Laisse-moi, Boulanger, dans ta douleur profonde
Descendre tout entier par ses noirs soupiraux ;
Laisse immiscer ma rage à ta plainte qui gronde ;
Laisse pilorier tes iniques bourreaux ;
Laisse-moi sur leur front clouer l’ignominie,
Les traîner sur la claie au banc du carrefour,
Tribunal plébéien, d’où la fourbe est bannie,
Où l’on jette pourvoi des arrêtés de cour !
Car il est temps enfin qu’au soleil on flétrisse
Ces courtisans flairant au cul de tout pouvoir,
Ces ouvriers déclins, à la figure actrice,
Que Urbaine et les sous peuvent seuls émouvoir !
Détriments de l’Empire, étreignant notre époque,
Qui triture du pied leurs coeurs étroits et secs ;
Détriments du passé que le siècle révoque,
Fabricateurs à plats de Romains et de Grecs ;
Lauréats, à deux mains, retenant leur’ couronne,
Qui, caduque, déchoit de leur front conspué ;
Gauchement ameutés, et grinçant sur leur trône
Contre un âge puissant qui sur eux a rué.
Comme un ours montagnard qui sur les rocs se traîne,
Saigneux, frappé de mort, ils voudraient dévorer,
Étouffer sous leurs brus, et broyer sur l’arène,
Tout ce qui gît debout avant que d’expirer.
Voilà donc ce qu’étaient tes jugeurs ! Le prétoire,
A l’aspect du tableau par la peur assailli,
Qui se plaignit-pourquoi la désolante histoire
Fait le peuple si laid et si beau le Bailli :
Prétexte captieux et couvrant une trame.
Depuis quand, pour la plèbe, êtes-vous si courtois,
A propos Jacobins, chiens de palais dans l’âme,
Léchant la populace ?… O vous êtes matois !…
Alors, en ricanant, ils ont dit anathème
Sur ton hardi labeur ; puis chassé du salon
Cette page d’espoir, ce taciturne thème
De ton pinceau si vrai qu’ils appellent félon.
Quoi ! le Christ est chassé par les vendeurs du Temple !
Horreur !… le jour vengeur, pour nous, bientôt poindra.
Leur tombe est entr’ouverte et la porte en est ample,
Et leur oeuvre avec eux au néant descendra !…
Août 1831.