J’ai déjà vu plus d’une année,
Belle fille aux fraîches couleurs,
Mourir vieille, jaune, fanée,
Et perdre son chapeau de fleurs.
Adieu, adieu, rose qui tombes !
Adieu, adieu, beau mois de mai!
Mon cœur est le pays des tombes
Où mon bonheur est enfermé.
Espoirs, illusions vermeilles,
Vœux de gloire, pensées d’amour,
Ainsi qu’un jeune essaim d’abeilles
S’envolèrent au point du jour.
Mais, comme ils montaient vers la nue,
Un tourbillon les emporta,
Et le vent à l’haleine aiguë
Brutalement les souffleta.
Tombez ! tombez ! et sur la terre
Je les ramassais, étouffant.
Je les mis dans mon cimetière
Couchés dans des cercueils d’enfant.
Et tous les soirs, lorsque vient l’heure
Où loin du monde je suis seul,
J’ouvre chaque bière, et je pleure
En déployant chaque linceul.
Quand j’ai fini, d’une main lente
Je clos mon cœur, morne cité,
Cimetière, cité dolente,
Où pas un n’est ressuscité.
J’ai déjà vu plus d’une année,
Belle fille aux fraîches couleurs,
Mourir vieille, jaune, fanée,
Et perdre son chapeau de fleurs.
Adieu, adieu, rose qui tombes !
Adieu, adieu, beau mois de mai!
Mon cœur est le pays des tombes
Où mon bonheur est enfermé.