Poème Éloge à la lune

Ô le second honneur des celestes chandelles,
Asseuré calendrier des fastes eternelles,
Princesse de la mer, flambeau guide-passant,
Conduy-somme, aime-paix, que diray-je, ô croissant,
De ton front inconstant, qui fait que je balance
Tantost ça tantost là d’une vaine inconstance,
Si par l’oeil toutesfois l’humain entendement
De corps tant esloignez peut faire jugement,
J’estime que ton corps est rond comme une bale,
Dont la superficie en tous lieux presque égale
Comme un miroir poli, or dessus or dessous,
Rejette la clarté du soleil, ton espoux.
Car comme la grandeur du mari rend illustre
La femme de bas lieu, tout de mesme le lustre
Du chaleureux Titan esclaircit de ses rais
Ton front, qui de soy-mesme est sombrement espais.
Or cela ne se fait tousjours de mesme sorte,
Ains d’autant que ton char plus vistement t’emporte
Que celuy du soleil, diversement tu luis
Selon que plus ou moins ses approches tu fuis.
C’est pourquoi chaque mois, quand une nopce heureuse
R’allume dans vos corps une ardeur amoureuse,
Et que, pour t’embrasser, des estoilles le roy,
Plein d’un bouillant désir, raye à plomb dessus toy,
Ton demi rond, qui void des mortels la demeure,
Suyvant son naturel, du tout sombre demeure.
Mais tu n’as pas si tost gaigné son cler costé,
Qu’en ton flanc jà blanchit un filet de clarté,
Un arceau mi-bandé, qui s’enfle où moins ta coche
Du char rameine-jour de ton espoux approche,
Et qui parfait son rond soudain que ce flambeau
D’un opposite aspect le regarde à niveau,
De ce point peu à peu ton plein se diminue,
Peu à peu tu te fais vers l’occident cornue,
Jusqu’à ce que, tombant es bras de ton soleil,
Vaincue du plaisir, tu refermes ton oeil.
Ainsi tu te refais, puis tu te renouvelles,
Aymant tousjours le change, et les choses mortelles,
Comme vivant sous toy, sentent pareillement
L’insensible vertu d’un secret changement