[Le voyageur]
Sous les hauts pins qui protègent ces sources,
Gardien, dis-moi quel est ce monument nouveau ?
[Le gardien]
Un jour il deviendra le terme de tes courses :
O voyageur ! c’est un tombeau.
[Le voyageur]
Qui repose en ces lieux ?
[Le gardien]
Un objet plein de charmes.
[Le voyageur]
Qu’on aima ?
[Le gardien]
Qui fut adoré.
[Le voyageur]
Ouvre-moi.
[Le gardien]
Si tu crains les larmes,
N’entre pas.
[Le voyageur]
J’ai souvent pleuré.
(Le voyageur et le gardien entrent.)
[Le voyageur]
De la Grèce ou de l’Italie
On a ravi ce marbre à la pompe des morts.
Quel tombeau l’a cédé pour enchanter ces bords ?
Est-ce Antigone ou Cornélie ?
[Le gardien]
La beauté dont l’image excite tes transports
Parmi nos bois passa sa vie.
[Le voyageur]
Qui pour elle à ces murs de marbre revêtus
A suspendu ces couronnes fanées ?
[Le gardien]
Les beaux enfants dont ses vertus
Ici-bas furent couronnées.
[Le voyageur]
On vient.
[Le gardien]
C’est un époux : il porte ici ses pas
Pour nourrir en secret un souvenir funeste.
[Le voyageur]
Il a donc tout perdu ?
[Le gardien]
Non : un trône lui reste.
[Le voyageur]
Un trône ne console pas.