Le doux titre et l’emploi charmant :
Être, en juin, un berger d’abeilles,
Lorsque les prés sont des corbeilles
Et les champs des mers de froment ;
Quand les faucheurs sur les enclumes
Martèlent la faux au son clair,
Et que les oisillons dans l’air
Font bouffer leurs premières plumes !
Berger d’abeilles, je le fus,
A huit ans, la-bas, chez mon père,
Lorsque son vieux rucher prospère
Chantait sous ses poiriers touffus.
Quel bonheur de manquer l’école
Que l’été transforme en prison,
De se rouler dans le gazon,
Ou de suivre l’essaim qui vole,
En lui disant sur un ton doux
Pour qu’il s’arrête aux branches basses :
» Posez-vous, car vous êtes lasses ;
Belles abeilles, posez-vous !
» Nous avons des ruches nouvelles
Faites d’un bois qui vous plaira ;
La sauge les parfumera :
Posez-vous, abeilles, mes belles ! »
Et les abeilles se posaient
En une énorme grappe grise
Que berçait mollement la brise
Dans les rameaux qui bruissaient.
» Père ! criais-je, père ! arrive !
Un essaim ! » Et l’on préparait
La ruche neuve où sans regret
La tribu demeurait captive.
Puis, sur le soir, lorsque, à pas lents,
Du fond des pâtures lointaines
Les troupeaux revenaient bêlants
Vers l’étable et vers les fontaines,
Je retrouvais mon père au seuil
Comptant ses bêtes caressantes,
Et lui disais avec orgueil :
» Toutes les miennes sont présentes ! »
Le doux titre et l’emploi charmant :
Être, en juin, un berger d’abeilles,
Lorsque les prés sont des corbeilles
Et les champs des mers de froment !