Sur la plage élégante au sable de velours
Que frappent, réguliers et calmes, les flots lourds,
Tels que des vers pompeux aux nobles hémistiches,
Les enfants des baigneurs oisifs, les enfants riches,
Qui viennent des hôtels voisins et des chalets,
La jaquette troussée au-dessus des mollets,
Courent, les pieds dans l’eau, jouant avec la lame.
Le rire dans les yeux et le bonheur dans l’âme,
Sains et superbes sous leurs habits étoffés
Et d’un mignon chapeau de matelot coiffés,
Ces beaux enfants gâtés, ainsi qu’on les appelle,
Creusent gaîment, avec une petite pelle,
Dans le fin sable d’or des canaux et des trous;
Et ce même Océan, qui peut dans son courroux
Broyer sur les récifs les grands steamers de cuivre,
Laisse, indulgent aïeul, son flot docile suivre
Le chemin que lui trace un caprice d’enfant.
Ils sont là, l’oeil ravi, les cheveux blonds au vent,
Non loin d’une maman brodant sous son ombrelle,
Et trouvent, à coup sûr, chose bien naturelle,
Que la mer soit si bonne et les amuse ainsi.
– Soudain, d’autres enfants, pieds nus comme ceux-ci,
Et laissant monter l’eau sur leurs jambes bien faites,
Des moussaillons du port, des pêcheurs de crevettes,
Passent, le cou tendu sous le poids des paniers.
Ce sont les fils des gens du peuple, les derniers
Des pauvres, et le sort leur fit rude la vie.
Mais ils vont, sérieux, sans un regard d’envie
Pour ces jolis babys et les plaisirs qu’ils ont.
Comme de courageux petits marins qu’ils sont,
Ils aiment leur métier pénible et salutaire
Et ne jalousent point les heureux de la terre;
Car ils savent combien maternelle est la mer
Et que pour eux aussi souffle le vent amer
Qui rend robuste et belle, en lui baisant la joue,
L’enfance qui travaille et l’enfance qui joue.