J’ai une pipe en bois, noire et ronde comme le sein
d’une petite négresse dont j’ai vu le dessin
dans un livre intéressant où elle était nue
Cette pipe me fait songer que dans la rue
et dans les jardins publics pleins de moineaux,
de petits pains brisés dans la boue, de jets d’eau,
on rencontre de bonnes négresses en foulards jaunes.
Elles sont douces et tristes comme les mois de l’Automne.
Elles sont l’esclavage d’autrefois. L’esclavage
Ce mot fait penser à de lointains parages,
aux colons de Saint-Domingue, à de la mélasse,
à des chairs noires et à du sang et à des faces
en dents blanches où rit la douleur. Douces négresses,
promenez-vous tout doucement dans les allées.
Au lieu de fers aux poignets, que des bracelets
y brillent comme les soleils de votre pays.
Vous vous arrêterez quelquefois, femmes au doux coeur,
devant les magasins des oiseleurs
où tout crie. Et vous penserez un peu,
mais pas trop, étant un peu abruties, à des soirs en feu,
à des jeux d’enfance où brillaient des plumages
et à des crabes qui étaient sur la plage.