Je t'apporte, buisson de roses funéraires,
Ces vers, à toi déjà lointaine et presque morte,
Ô douloureuse enfant qui passes dans mes rêves ;
Moi qui t’ai vue heureuse et belle, je t’apporte
Ces vers, comme un bouquet de lys sur ta beauté.
Tu sus trop tôt que l’homme est âprement mauvais,
Et le sel de la vie à ta bouche est resté.
Ton sourire autrefois s’ouvrait en ciel de mai,
Et les voiles de tes paupières renfermaient
Des prunelles d’azur pareilles sous les cils
A des vierges en fleur dans l’ombre nuptiale.
Et quelqu’un te laissa solitaire, Ariane,
Sur la grève, vouée à l’éternel exil !
La chaude volupté qui couvait dans ta chair
Trempait d’un flot de pourpre ardente et magnifique
Ton teint si délicat qu’il semblait tissé d’air,
Et ton âme faisait frémir tes lèvres fines.
Je t’ai secrètement aimée, ô pauvre fille,
Dans tes heures de joie, à tes heures de peine
Surtout, et j’ai pitié de toi puisque je t’aime.
Ces vers voudraient pleurer la splendeur de ton corps
Qui ne connaîtra pas l’amour : accepte-les,
Et dans ton morne exil sois longtemps belle encor,
Comme un joyau royal dans un coffre scellé.
Adieu, tu ne peux pas m’aimer, tu ne dois pas
Savoir… J’aurais voulu m’endormir dans tes bras.
Hélas ! il faut pourtant recommencer à vivre !
Adieu, mélancolique enfant, âme automnale.
Ciel du soir traversé de colombes plaintives,
Ô belle et douce et pure et solitaire femme.