Sous un souffle apaisé quand rit la mer sereine
Charles-Augustin Saint Beuve

Poème Sous un souffle apaisé quand rit la mer sereine

Traduit de Moschus.

I

Sous un souffle apaisé quand rit la mer sereine,
Tout mon coeur s’enhardit, et pour l’humide plaine
La terre est oubliée : ô mer, je viens à toi !
Mais qu’un grand vent s’élève et réveille l’effroi,
Que l’écume du flot blanchisse et fasse rage,
Tout mon amour alors se reprend au rivage ;
Je ne veux que les bois, et l’ombre et les gazons :
Le pin, par un grand vent, rend encor de doux sons.
Pêcheur, que je te plains, dans ta nef pour demeure,
Chassant ta proie errante au péril de chaque heure !
À moi le bon sommeil sous un platane épais !
À moi les jours couchés au sein d’un antre frais,
Et la source au long bruit, qui, roulant sous la voûte,
Charme et ne peut troubler le pasteur qui l’écoute !

II

Pan aimait Écho, sa voisine,
Qui pour le Satyre brûlait,
Et le Satyre aimait Nérine ;
Leur flamme, à tous trois, se brouillait.
Jeu bizarre, et pourtant le nôtre !
Ce qu’un amant inflige à l’autre,
D’un autre il l’éprouve à son tour :
Le talion est loi d’amour.
Or voici ma leçon ; que le novice entende :
Rends l’amour à qui t’aime, afin qu’on te le rende.

III

Quittant Pise et ses jeux, Alphée au flot d’argent
Cherche à travers les mers Aréthuse en plongeant ;
Et dans son sein il porte à la nymphe adorée
L’olivier des vainqueurs et la poudre sacrée.
Profond, pur, et chargé des amoureux cadeaux,
Il fend le flot amer sans y mêler ses eaux ;
Et le grand flot dormant ne sent rien, et l’ignore,
Et l’a laissé passer. Ah ! c’est Amour encore,
Le mauvais, le perfide et le rusé songeur,
C’est lui dont l’art secret fit du fleuve un plongeur !