Quand je sens, certains soirs, ma vie qui s’effiloche
Et qu’un vol de vautours s’agite autour de moi,
Pour garder mon sang froid, je tâte dans ma poche
Un caillou ramassé dans la Vallée des Rois.
Si je mourrais demain, j’aurais dans la mémoire
L’impeccable dessin d’un sarcophage d’or
Et pour m’accompagner au long des rives noires
Le sourire éclatant des enfants de Louxor.
À l’intérieur de soi, je sais qu’il faut descendre
À pas lents, dans le noir et sans lâcher le fil,
Calme et silencieux, sans chercher à comprendre,
Au rythme des bateaux qui glissent sur le Nil,
C’est vrai, la vie n’est rien, le songe est trop rapide,
On s’aime, on se déchire, on se montre les dents,
J’aurais aimé pourtant bâtir ma Pyramide
Et que tous mes amis puissent dormir dedans.
Combien de papyrus enroulés dans ma tête
Ne verront pas le jour… ou seront oubliés
Aussi vite que moi?… Ma légende s’apprête,
Je suis comme un désert qu’on aurait mal fouillé.
Si je mourais demain, je n’aurais plus la crainte
Ni du bec du vautour ni de l’oeil du cobra.
Ils ont régné sur tant de dynasties éteintes…
Et le temps, comme un fleuve, à la force des bras…
Les enfants de Louxor ont quatre millénaires,
Ils dansent sur les murs et toujours de profil,
Mais savent sans effort se dégager des pierres
À l’heure où le soleil se couche sur le Nil.
Je pense m’en aller sans que nul ne remarque
Ni le bien ni le mal que l’on dira de moi
Mais je déposerai tout au fond de ma barque
Le caillou ramassé dans la Vallée des Rois