MOI qui n’ai pas le goût du laurier triomphal
Qui suscite le dur égoïsme des luttes ;
Moi dont l’ambition meurt aux refrains des flûtes
Et du violon musical ;
J’ai plus que le désir d’une éternelle gloire,
Plus que le rêve fier d’un renom souverain :
J’aspire à quelque chose idéal et divin,
Sublime, et peut-être illusoire…
Si vous m’aimiez ! Je sais : je ne mérite pas
Que votre pur amour se choisisse mon âme ;
Il est des coeurs plus beaux mais aussi, chère femme,
Moins doux que le mien dans vos bras !
Quelle grandeur, si vous m’aimiez, et quelle joie !
Quelle autre gloire affamerait mes désirs fous ?
Dites, par votre bouche et vos yeux : M’aimez-vous ?
Que je vous entende et vous voie !
Si le mot que j’attends sur vos lèvres chantait,
Je n’aurais rien de plus à demander au monde :
Je posséderais tout dans votre amour profonde ;
Hors d’elle rien n’existerait !
Et je pourrais marcher le front clair chez les hommes,
Hautain dans ma fortune, orgueilleux dans ma foi,
Disant : S’il est ici quelqu’un plus haut que moi,
Plus fort et plus grand, qu’il se nomme !
Car vous me feriez grand, courageux, noble et fort
Par la sainte vertu de votre amour insigne,
Et de toute beauté vous me rendriez digne,
Et de toute louange encor !
Femme pour qui j’écris ces mots de hardiesse,
Le coeur tremblant et prêt à demander pardon,
Si vous me dédaignez, ne me dites pas : Non !
Qui donc n’ose trop par tendresse ?