Messe noire
Anatole Le Braz

Poème Messe noire

A Pauline Ménou

Dans la nuit noire, recourbée en nef d'église,
S'inscrivent, par instants, des pâleurs de vitraux
Qu'une clarté de lune intermittente irise :
Un vent religieux frissonne sur les eaux.

Au large de l'Ar-Men solitaire, agonise
L'âme, lente à sombrer, des soirs occidentaux.
Un deuil plane sur les maisons de pierre grise ;
Les orgues de la mer roulent des lamentos.

C'est la messe du Raz, l'office de Ténèbres
Les phares angoissants clignent leurs yeux funèbres,
De tout l'espace monte un sourd Miserere

Quelqu'un d'ivre, qui dort le front sur une épave,
Tressaille et, rajustant les pans de son ciré,
Se signe, sans savoir pourquoi, d'un geste grave

Et, sans savoir sur quoi, moi-même j'ai pleuré.