Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
Le grand chêne noueux, le père de la race,
Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.
Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre.
Robuste, il a nourri ses siècles florissants.
Fait bouillonner la sève en ses membres puissants.
Et respiré le ciel avec sa tête sombre.
Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs
Sinistrement dressés sur sa couronne verte;
Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte
Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.
La sève du printemps vient irriter l’ulcère
Que suinte la torpeur de ses acres tissus.
Tout un monde pullule en ses membres moussus,
Et le fauve lichen de sa rouille l’enserre.
Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui
Se brise sur son corps et tombe. Un vent d’orage
Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage,
Et peut-être qu’il doit s’écrouler aujourd’hui.
Car déjà la chenille aux anneaux d’émeraude
Déserte lentement son feuillage peu sûr;
D’insectes soulevant leurs élytres d’azur
Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde;
Dès hier, un essaim d’abeilles a quitté
Sa demeure d’argile aux branches suspendue ;
Ce matin, les frelons, colonie éperdue,
Sous d’autres pieds rameux transportaient leur cité :
Un lézard, sur le tronc, au bord d’une fissure,
Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit;
Et voici qu’inondant l’arbre glacé, la nuit
Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure