Toi qui du jour mourant consoles la nature,
Parais, flambeau des nuits, lève-toi dans les cieux ;
Étends autour de moi, sur la pâle verdure,
Les douteuses clartés d’un jour mystérieux !
Tous les infortunés chérissent ta lumière ;
L’éclat brillant du jour repousse leurs douleurs :
Aux regards du soleil ils ferment leur paupière,
Et rouvrent devant toi leurs yeux noyés de pleurs.
Viens guider mes pas vers la tombe
Où ton rayon s’est abaissé.
Où chaque soir mon genou tombe
Sur un saint nom presque effacé.
Mais quoi ! la pierre le repousse !…
J’entends… oui, des pas sur la mousse !
Un léger souffle a murmuré ;
Mon œil se trouble, je chancelle.
Non, non, ce n’est plus toi, c’est elle
Dont le regard m’a pénétré.
Est-ce bien toi, toi qui t’inclines
Sur celui qui fut ton amant ?
Parle : que tes lèvres divines
Prononcent un mot seulement ;
Ce mot que murmurait ta bouche
Quand, planant sur ta sombre couche,
Le mort interrompit ta voix.
Sa bouche commence… Ah ! j’achève :
Oui, c’est toi ; ce n’est point un rêve :
Anges du ciel, je la revois !…
Ainsi donc l’ardente prière
Perce le ciel et les enfers ;
Ton âme a franchi la barrière
Qui sépare deux univers.
Béni soit le Dieu qui l’envoie !
Sa grâce a permis que je voie
Ce que mes yeux cherchaient toujours.
Que veux-tu ? faut-il que je meure ?
Tiens, je te donne pour cette heure
Toutes les heures de mes jours.
Mais quoi ! sur ce rayon déjà l’ombre s’envole :
Pour un siècle de pleurs une seule parole !
Est-ce tout ?… c’est assez ! Astre que j’ai chanté,
J’en bénirai toujours ta pieuse clarté,
Soit que dans nos climats, empire des orages,
Comme un vaisseau voguant sur la mer des nuages,
Tu perces rarement la triste obscurité ;
Soit que sous ce beau ciel, propice à ta lumière,
Dans un limpide azur poursuivant ta carrière,
Des couleurs du matin tu dores les coteaux ;
Ou que, te balançant sur une mer tranquille,
Et teignant de tes feux sa surface immobile,
Tes rayons argentés se brisent dans les eaux !