L'alchimiste
Aloysius Bertrand

Poème L'alchimiste

Rien encore ! Et vainement ai-je feuilleté pendant
trois jours et trois nuits, aux blafardes lueurs
de la lampe, les livres hermétiques de Raymond-Lulle !

Non rien, si ce n'est avec le sifflement de la cornue
étincelante, les rires moqueurs d'un salamandre qui se
fait un jeu de troubler mes méditations.

Tantôt il attache un pétard à un poil de ma barbe,
tantôt il me décoche de son arbalète un trait de feu
dans mon manteau.

Ou bien fourbit-il son armure, c'est alors la cendre
du fourneau qu'il soude sur les pages de mon formulaire
et sur l'encre de mon écritoire.

Et la cornue, toujours plus étincelante, siffle le
même air que le diable, quand Saint Eloy lui tenailla
le nez dans sa forge.

Mais rien encore ! Et pendant trois autres jours et
trois autres nuits, je feuilletterai, aux blafardes
lueurs de la lampe, les livres hermétiques de
Raymond-Lulle !