La tornade
Aimé Césaire

Poème La tornade

Le temps que le sénateur s’aperçut que la tornade était assise dans son assiette
et la tornade était dans l’air fourrageant dans Kansas-City
Le temps que le pasteur aperçut la tornade dans l’oeil bleu de la femme du shériff
et la tornade fut dehors faisant apparaître à tous sa large face
puant comme dix mille nègres entassés dans un train
le temps pour la tornade de s’esclaffer de rire
et la tornade fit sur tout une jolie imposition de mains de ses belles mains blanches d’ecclésiastique
Le temps pour Dieu de s’apercevoir qu’il avait bu de trop cent verres de sang de bourreau
et la ville fut une fraternité de taches blanches et noires répandues en cadavres sur la peau d’un cheval abattu en plein galop
Et la tornade ayant subi les provinces de la mémoire riche gravât
craché d’un ciel engrangé de sentences tout trembla
une seconde fois l’acier tordu fut retordu
Et la tornade qui avait avalé comme un vol de grenouilles son troupeau de toitures et de cheminées respira bruyamment une pensée que les prophètes n’avaient jamais su deviner