Démons
Aimé Césaire

Poème Démons

Je frappai ses jambes et ses bras. Ils devinrent des pattes de fer terminées par des serres très puissantes recouvertes de petites plumes souples et vertes qui leur faisaient une gaine discernable mais très bien étudiée. D’une idée-à-peur de mon cerveau lui naquit son bec, d’un poisson férocement armé. Et l’animal fut devant moi oiseau. Son pas régulier comme une horloge arpentait despotiquement le sable rouge comme mesureur d’un champ sacré né de la larme perfide d’un fleuve. Sa tête ? je la vis très vite de verre translucide à travers lequel l’oeil tournait un agencement de rouages très fins de poulies de bielles qui de temps en temps avec le jeu très impressionnant des pistons injectaient le temps de chrome et de mercure
Déjà la bête était sur moi invulnérable
Au-dessous des seins et sur tout le ventre au-dessous du cou et sur tout le dos ce que l’on prenait à première vue pour des plumes étaient des lamelles de fer peint qui lorsque l’animal ouvrait et refermait les ailes pour se secouer de la pluie et du sang faisaient une perspective que rien ne pouvait compromettre de relents et de bruits de cuillers heurtées par les mains blanches d’un séisme sans les corbeilles sordides d’un été trop malsain.