An neuf
Aimé Césaire

Poème An neuf

Les hommes ont taillé dans leurs tourments une fleur
qu’ils ont juchée sur les hauts plateaux de leur face
la faim leur fait un dais
une image se dissout dans leur dernière larme
ils ont bu jusqu’à l’horreur féroce
les monstres rythmés par les écumes
En ce temps-là
il y eut une
inoubliable
métamorphose
les chevaux ruaient un peu de rêve sur leurs sabots
de gros nuages d’incendie s’arrondirent en champignon
sur toutes les places publiques
ce fut une peste merveilleuse
sur le trottoir les moindres réverbères tournaient leur
tête de phare
quant à l’avenir anophèle vapeur brûlante il sifflait
dans les jardins
En ce temps-là
le mot ondée
et le mot sol meuble
le mot aube
et le mot copeaux
conspirèrent pour la première fois