Les temps se sont faits durs ces derniers mois : le confinement n’a épargné quasiment aucun pays, et désormais enfin libres de sortir, la crainte n’a pas quitté nos esprits. Et c’est le monde entier qui a fini à l’arrêt, n’épargnant définitivement pas la musique. Les albums ont pour la plupart été repoussé - studios inaccessibles oblige - mais surtout, à l’approche de l’été, c’est la saison des festivals et des concerts qui a été fortement impactée par les annulations. Or que serait un monde sans musique ? Il aurait été impossible d’imaginer devoir supporter des semaines voire des mois sans, alors il a fallu être imaginatif.
Coup dur pour les organisateurs
L’industrie du spectacle vivant a pris un sacré coup avec cette vague décimant toute la saison de mars à septembre. Pas un seul concert, pas un seul festival n’a été épargné, malgré des espoirs de plus en plus vains au fil des jours de voir la situation s’améliorer. Car oui, même si la France s’est déconfinée le 11 mai dernier, l’état d’urgence sanitaire n’a pas été levé pour autant, avec notamment des rassemblements limités. Quand ce sont des milliers voire des millions d’euros qui sont en jeu, la situation a de quoi faire serrer les dents aux organisateurs et aux artistes, surtout pour les festivals où ce sont des line-up spécifiques qui attirent les spectateurs : impossible donc de les reporter. Tout le monde est ressorti dépité de ces décisions, alors sont nés de nouvelles solutions.
Artiste comme public, tout le monde s'est adapté à cette nouvelle forme de concert
Ils apparaissaient d’abord comme de bien maigres consolations, mais ils sont pourtant progressivement rentrés dans nos habitudes - comme bien des choses durant le confinement d’ailleurs. Les concerts à distance semblent à première vue être une aberration pour les adeptes de musique : que peut-on ressentir face à un écran, seul ? Comment peut-on seulement appeler ça un concert ? Où passe toute la magie, le caractère inoubliable d’un concert ?
Force est d’admettre qu’un concert est un évènement social : on y va pour le « contact » non seulement avec les artistes, mais aussi et surtout avec la foule : baigner en son sein, sauter, hurler, ressentir des émotions ensemble, partager une passion commune avec des amis et/ou des inconnus, voilà là tout l’intérêt de ces moments. Alors il est certain que d’annoncer « désormais, vous vivrez ça depuis votre lit, seul », ça n’est acceptable que si un virus mortel anéantit la planète.
Les artistes se sont ainsi mis à régulièrement proposer à leurs fans des lives sur différentes plateformes, mais principalement Instagram. Et si le succès de ces pratiques peut paraître étonnant, si l’on s’y penche c’est en fait assez compréhensible : ces lives, comme les concerts, sont en fait des moments d’échange tout particulièrement intimes entre fans et artistes ; et surtout, ils ont le mérite d’être moins sophistiqués et mis en scènes que des concerts - parfois véritables shows - montrant sous un jour plus humain ces stars habituées des lumières. Alors quand on voit le chanteur Raphaël chantonner ses morceaux à la guitare durant un live Facebook et se faire interrompre par sa femme et ses enfants, la femme est particulièrement attendrissante, mais surtout rappelle le caractère humain du chanteur, qui finalement n’est, dans la sphère privé, qu’un individu comme vous et moi. Remettre les pendules à l’heure dans ces circonstances n’était pas un luxe, et a apporté un sacré bol d’air frais à la musique.
Une créativité sans limite dans la conception des concerts
Et tout le monde s’est laissé tenté par ces lives tant ils sont faciles d’accès et aisément mis en places : ainsi la DJ house berlinoise Peggy Gou donnait régulièrement des dj set en live sur Instagram, tout comme la chanteuse de pop Christine and the Queens donnait rendez-vous à ses fans tous les soirs à 18h pour leur proposer des performances musicales. Il y en avait ainsi quasiment tous les jours pour tous les goûts, et accessible à tous, chose primordiale pour les artistes : ne laisser personne de côté. Des plateformes se sont par ailleurs développée pour regrouper tous les évènements en ligne, telles que Social Distancing Festival. Ainsi, malgré la distance, chacun a pu, quelque part, trouver un tant soit peu de compagnie.
Récemment, c’est à l’occasion de la fête de la musique que le concert à distance a fait ses preuves. Du showcase en ligne de Jul à Louise Attaque devant un Olympia vide diffusé sur France Inter, en passant par le concert de Mouv’ mettant à l’honneur les artistes féminines telles que Lyna Mayhem, Doria ou encore Imen Es, la fête a su être diverse et variée, pour tous les goûts. Il aurait été assez déprimant de passer une fête de la musique sans musique.
Mais il était certain qu’aux vues de leur succès, et aux vues de circonstances qui présageaient une certaine durabilité dans l’absence de concerts en physique, le concept ne pourrait qu’évoluer. Comme évoqué plus haut, un concert est un évènement social, où l’on ressent en profondeur les choses. Alors le concert à distance s’est efforcé, de plus en plus, de recréer un univers - tout en gardant en tête les restrictions liées au web. L’Opéra de Barcelone a tenté de rendre moins angoissante la prestation devant salle vide pour les musiciens, et a ainsi donné son concert devant près de 2200 plantes remplissant les sièges, faisant de ce moment un spectacle absolument unique.
Quand il est question également de s’adapter aux circonstances, l’imagination des organisateurs est sans faille. Ainsi, un festival de musique électronique a eu lieu sur Minecraft, le Blockeley Music Festival, en l’honneur de la remise de diplômes de la prestigieuse université américaine Berkeley. Le jeu vidéo a également accueilli le Block by Block West Festival, avec notamment en tête d’affiche les Pussy Riots et le groupe de trip-hop Massive Attack. Mais l’évènement le plus insolite reste sans doute cette série de 5 concerts donnés par Travis Scott sur Fortnite, et qui ont littéralement secoué la toile avec près de 22,7 millions de spectateurs.
Alors, le concert en ligne serait-il une option viable à l’avenir ?
Si l’idée des concerts en ligne séduit tant, il aurait été impensable de ne pas en faire une activité lucrative : c’est ainsi que les BTS se sont lancés dans le concert en straming payant, avec une véritable mise en scène, des danses, des outils très professionnels - comme dans la vraie vie. Un investissement qui a très - très - bien payé, puisque ce sont 750 000 de spectateurs, soit 15 stades remplis, qui ont assisté au concert le 14 juin dernier. Avec des places à 26 dollars, ce sont près de 20 millions de dollars qui sont rentrés dans les caisses pour l’organisation de l’évènement. Un franc succès, qui n’a pas manqué d’en inspirer.
En effet, le constat d’une telle réussite ne peut laisser de marbre, et laisse fortement présager qu’elle puisse se populariser. Ça n’était qu’un divertissement pour tous tant qu’ils étaient accessibles gratuitement, mais l’expérience de BTS a indubitablement créé une opportunité que l’on ne peut ignorer. La possibilité que ces concerts en ligne deviennent norme est de moins en moins aberrante lorsque l’on a ces données en tête. Tout laisse à penser qu’un avenir est à saisir dans ces concerts en ligne.