L’actualité brûlante à travers la planète a laissé la parole aux artistes. Des Etats-Unis avec le mouvement Black Lives Matter qui a connu un écho dans la musique, à la France avec Justice pour Adama et les violences policières, et désormais un gouvernement sujet à controverses qui réveille la colère de nos chanteuses féministes. La musique prend de plus en plus de place au coeur de la scène politique pour défendre des causes ou dénoncer des comportements.
Camélia Jordana avait déjà fait polémique ces dernières semaines en affirmant ne pas avoir confiance en la police en tant que femme issue d’une minorité sur un plateau télé. La jeune femme s’est vue menacée par l’ex-ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, d’une condamnation pour diffamation et incitation à la haine à son encontre - qui ne donnera cependant pas suite. La chanteuse ne s’est aucunement laissée intimider, continuant d’affirmer son propos, et invitant même Castaner à venir débattre sur un plateau de télévision.
Cette fois-ci, elle prend la parole pour s’indigner face à la nomination des nouveaux ministres sus-cités. Le remaniement ministériel qui a suivi la désignation du nouveau Premier ministre Jean Castex a fait trembler la sphère féministe : dans un contexte où la condition féminine est au centre de tous les propos il est dificile d’avaler la pilule d’un Eric Dupond-Moretti au poste de garde des sceaux ou d’un Gérard Darmanin ministre de l’Intérieur. En effet, ce dernier ferait l’objet d’une plainte pour viol, qui est actuellement en cours d’investigation, et Eric Dupont-Moretti, avocat de profession, avait pris position contre les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc en les tournant en dérision.
« A quand un casier vierge obligatoire pour être nommé ministre de l’Intérieur de notre beau pays ? »
Si le gouvernement se justifie par la présomption d’innocence pour laquelle Darmanin ne fait pas exception, impossible pour les féministes de rester de marbre face à un mépris total de leur lutte. Il y a une certaine symbolique dans la nomination de ces deux individus, surtout à des postes qui jouent un véritable rôle dans les causes féministes - notamment sur la question de la lenteur de la justice pour les cas de viols. Camélia Jordana a ainsi publié une story s’indignant « A quand un casier vierge obligatoire pour être nommé ministre de l’Intérieur de notre beau pays ? ». Une story parmi d’autres que la chanteuse belge Angèle relayera également. Impossible de rester de marbre face à une telle décision.
Angèle s’insurge, elle qui a toujours été très investie dans ces questions féministes, et qui a notamment fait le buzz avec son titre Balance ton quoi, dénonçant le sexisme ordinaire sur des sonorités pop et légères, accompagné d’un clip humoristique. Tout ne s’arrêtait donc pas à un simple succès sur un titre, son investissement dans la dénonciation de comportements qui la révoltent témoignent d’un véritable intérêt pour ces questions, même si on a pu l’accuser de faire de son féminisme un marketing. Il est vrai que son apparence - une femme blanche, fine, élancée, blonde à la tête d’ange - rend son féminisme peu virulent aux yeux de certains ; un féminisme facile et privilégié, quand certaines ne reçoivent pas le même traitement médiatique parce qu’issues de minorités.
Parmi les chanteuses françaises engagées, on compte Pomme, qui s’est fait connaître ces derniers mois. Elle aussi est associée à un féminisme « doux » du fait de son apparence. Toujours est-il que la jeune femme compte parmi ses combats les plus importants celui du féminisme et la cause LGBT+. Elle invite ainsi les femmes à cesser de se plier à l’injonction à l’épilation, et écrit des titres sur l’homosexualité féminine. Sans parler de Christine and the Queens qui avec son style androgyne n'hésite pas à manifester sa colère face aux normes genrées sur ses réseaux sociaux, bien décidée à dépasser ces dichotomies fille/garçon qui envahissent tous les domaines - dont la musique.
Si la sphère anglo-saxonne comptent en tête d’affiche des chanteuses féministes de couleur telles que Beyoncé ou Jorja Smith en Grande-Bretagne, c’est encore plus ténu sur la scène francophone, où, outre Yseult avec sa pop à mi-chemin de la variété, dont on entend encore trop peu parler, cette représentation féministe affirmée n’existe pour le moment que dans le rap. Peut-être le genre musical s’y prête-t-il mieux ? Ou incarnerait-il cette émancipation tant attendue, là où on n’attendait pas de voir des femmes ? Toujours est-il que ce féminisme dans le rap, tenu par Chilla, Shay ou Lous and the Yakuza pour ne citer qu’elles est bien plus diversifié et moins léger que celui de la pop. Il est vrai que le rap a toujours eu dans ses veines un aspect très politique, tandis que la pop, comme la variété, est plutôt divertissante par nature. On espère néanmoins que l’impulsion menée par les artistes citées plus haut rendra le mouvement encore plus accessible - tant elle touche tous les publics.