Alors que les auditeurs français sont très ouverts au rap anglo-saxon et aux scènes limitrophes belges et suisses, ils sont en revanche assez peu au fait des talents qui se cachent de l’autre côté de la Méditerranée. Et pourtant, ce n’est pas la qualité qui manque. C’est l’occasion donc de prêter ses oreilles à de nouvelles sonorités, à la découverte du rap marocain.
Le rap marocain est loin de dater d’hier. Les piliers du domaine datent de la fin des années 90, du nom d’H-Kayne, et ils viennent de Meknès. Le groupe est une référence, et constitue l’un des rares à s’être exportés. Si le nom ne vous dit rien, ils se sont pourtant même produits au Bataclan, et sont signés auprès d'Universal Music. L’origine du groupe connait des racines communes aux débuts du rap français, avec cette même culture hip-hop issue des Etats-Unis, à base de breakdance et de freestyles. Il parviennent à lui ajouter des sonorités propres au Maroc, le tout en dialecte local aussi bien qu’en français. Souvent entourés de grands noms dans la production de leurs titres, leur légitimité en tant que groupe phare marocain n’est plus à refaire. Ils ont même été validés par le roi du Maroc, Mohammed VI, c’est dire.
Mais comme le rap marocain n’a de cesse de nous offrir toujours plus de pépites innovantes, il est intéressant de se pencher sur le dernier-né des talents du Royaume. Snor et sa collection de cagoules saura sans doute conquérir vos oreilles, en vous faisant plonger dans son univers très cloud. Le genre encore assez peu exploité de l’autre côté de la Méditerranée - au profit de la trap - fait de lui une espèce d’ovni parmi la scène musicale marocaine. Mais ses morceaux sont si merveilleusement bien exécutés que c’est sans difficulté que le jeune homme a réussi en très peu de temps seulement à se faire un nom.
Mais comment parler du rap marocain sans évoquer Naar, le collectif derrière le projet Safar - voyage en français - qui a littéralement dévoilé toute cette sphère au-delà des frontières. L’album est d’une qualité impressionnante, et on y trouvera des collaborations improbables mais d’autant plus délicieuses, aux côtés de Lomepal par exemple, ou encore Koba LaD, Nelick et même Nusky, ainsi que Laylow. Mais comme le projet est ambitieux, il ne se cantonne pas à cultiver des liens entre le Maroc et la France - c’eût été trop simple. C’est un véritable tour du monde musical au titre explicite, qui convie à cette occasion des artistes aussi bien américains, qu’italiens ou néerlandais. Si sur le papier tout paraît chaotique, il faut l’écouter pour y croire : le résultat est impressionnant. Des connexions qui marquent un coup important dans la musique marocaine.
Il a participé au projet sus-cité, mais vous l’avez sûrement découvert sur le dernier album de Wit. sur Reset puisqu’il nous a servi aux côtés de ce dernier un son ensoleillé au possible : Madd est de ces noms incontournables quand on parle de rap marocain. Originaire de Casablanca et frère de Shobee - membre du duo Shayfeen, également phare dans le domaine - Madd s’exporte on ne peut mieux. Si vous désirez vous tenter à la scène marocaine, c’est sans doute vers lui que vous vous tournerez : on ressent d’une part ses inspirations américaines, et d’autre part il faut dire qu’il s’associe avec brio aux Français. La connexion avec nos rappeurs digitaux Laylow et Wit. vous feront office de brillante introduction à son travail.
Enfin, quoi de mieux qu’ElGrandeToto pour conclure ce panorama du rap marocain. Sa trap déjantée et énergique fait de lui LE nom du rap marocain. Entre kick et morceaux dansants, mêlant à ses clips une esthétique futuriste et un attachement à ses racines marocaines la palette du rappeur n’a rien à envier aux Français. Il fut d’ailleurs invité au Planète Rap de Soso Maness - en témoin d’une grande reconnaissance vouée à cette tête d’affiche du domaine. À écouter sans attendre donc.
Le rap marocain est donc foisonnant de talents aux styles divers et variés, et a sans doute encore beaucoup de choses à nous réserver pour les années à venir, en espérant que les collaborations avec les artistes français finisse par populariser sérieusement la scène au-delà des frontières.